Le soleil ailé auguste montre sa tête au matin.
Il sort du Noun pour aller vers le ciel.
Il se hausse vers les hauteurs célestes sur les bras des deux sœurs.
Il plane dans le ciel lointain tandis que s'éclaire la terre.
Comme il parcourt le ciel et qu'il traverse la voûte céleste, ses deux yeux sont fixés sur sa statue de culte.
Son ba est venu du ciel et se pose sur sa statue de culte chaque jour.
Texte d'Edfou, dans Les Mammisis des temples égyptiens.
Le panthéon égyptien peut être découpé, comme le font certains auteurs
(comme François Daumas) en groupes principaux :
- Les Entités divines intellectuelles, que nous venons d'étudier,
créées par les théologiens, communes à tout le pays, mais plus
particulièrement destinées aux temples.
- Les Seigneurs divins, patrons de villes ou de villages.
- Les Dieux des fonctions vitales, gardiens de la fertilité du sol,
des récoltes, protecteurs de la famille, de la naissance. Communs à
toute l'Egypte, ils étaient très proches de l'humble égyptien qui
n'hésitait pas à leur demander assistance et en qui il pouvait facilement
se reconnaître ayant très peu à faire, dans sa vie de tous les jours,
aux grands dieux trop éloignés de ses simples préoccupations quotidiennes.
L'abondance de dieux aux histoires de famille tracassées et infinies,
l'émergence de divinités locales au destin spectaculaire montrent
clairement que les théologies, quelles qu'elles soient, encourageaient
la diversité plutôt que l'uniformité.
Les temples locaux ne concevaient pas ces systèmes comme antagonistes
mais au contraire comme complémentaires.
Si la religion héliopolitaine s'intéressait plus à l'aspect matériel de la
création, les prêtres memphites étudièrent davantage l'aspect intellectuel
du problème : comment avait donc pu se matérialiser cette réalité, si ce
n'est par le concept du Verbe créateur. La civilisation égyptienne
croyait fermement à la puissance créatrice de la parole écrite ou parlée
issue directement de sa conception dans l'esprit, plus précisément pour
les Egyptiens dans le cœur, siège de l'intellect.
Cette multiplicité a pu laisser à la postérité une impression de fouillis inextricable et
complètement incohérent. Il n'est pas toujours facile pour nous, tant
la documentation est fragmentée, de suivre la pensée égyptienne et les
prêtres égyptiens eux-mêmes, déjà avaient eu fort à faire dans leur
démarche d'unification. Cette étonnante faculté d'adaptation de l'esprit
égyptien à des concepts nouveaux a contribué certainement à la pérennité
de cette civilisation. Durant ses trois mille ans d'existence, elle a
certes connu des développements qui l'ont rendue de plus en plus
compliquée, mais les bases essentielles restaient stables. Les théologiens
égyptiens ont su faire preuve de finesse et de profondeur dans leur
raisonnement. Ils ont créé, célébré, appris le langage des dieux bien
avant de se connaître eux-mêmes.
L'événement primordial de la création ne fut pas l'apparition de
l'humanité mais plutôt le premier lever du soleil sur la butte primordiale
qu'on le nomme ben-ben ou Tatenen.
L'arrivée des hommes n'est qu'une des conséquences de cette création
essentielle. Par la connaissance approfondie de ces dieux, par le souci
des offrandes rituelles et par le respect de la Maât, les hommes peuvent
alors participer à cet univers.
Par delà les superpositions et les images empruntées dans tous les
courants religieux qui ont balayé l'Egypte ancienne, il faut admirer et
féliciter ce souffle commun qui plongea le pays dans une communion
spirituelle d'une grande sensibilité et d'une extrême tolérance. Et ceci
jusqu'à ce qu'elle fut plongée dans la nuit obscure où la montée d'un
christianisme arbitraire et coercitif la précipita en l'an 535 quand
l'empereur Justinien ferma le dernier bastion de la résistance égyptienne
qui avait résisté sur l'île de Philae...
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