L'Egypte
Us et coutumes

La Famille

"Fais un jour heureux. Offre à ton nez à la fois le baume et le parfum le meilleur, des guirlandes de lotus aux bras et au cou de ta femme. Que celle que tu chéris soit assise à ton côté, qu'il y ait chant et musique devant ton visage. Rejette loin de toi le souci " songe à te réjouir jusqu'à ce que vienne ce jour d'aborder à la terre qui aime le silence..."

Cette exhortation à bien vivre montre bien que les Egyptiens, s'ils préparaient soigneusement leur vie dans l'au-delà, n'en dédaignaient pas pour autant la vie d'ici bas.

La famille de l'ancienne Egypte est monogamique, seul le pharaon se permet un ou plusieurs harems (comme se le permettront les princes et les puissants des derniers siècles) mais sans que cela entache le moins du monde les rapports entre mari et femme.

La famille joue un rôle important dans la vie de l'Egyptien. Le mariage se fait par le commun accord des futurs époux. Le futur mari demandait à celle qu'il avait choisi, de "briser une cruche avec lui" ; curieuse façon de formuler une demande en mariage! Le mariage n'en était pas moins quelque chose de sérieux. La femme à sa venue dans sa nouvelle demeure, apportait avec elle ses biens personnels. fis restaient sa propriété tout au long de son union, et, en cas de divorce, elle en reprenait possession. Le mari, dans cette situation, devait donner en plus à son ex-épouse un dédommagement. D'après Hérodote, une des clauses du mariage stipule l'autorité de l'épouse dans le ménage et l'obéissance à ses ordres. Cette clause ne devait pas s'étendre au-delà des problèmes de la vie quotidienne et de la gestion domestique. Dans les familles riches, la femme est reconnue comme jouissant de tous les droits relatifs à la propriété, ce qui lui permet de gérer, vendre ou acheter des biens. Certaines femmes jouèrent un rôle dans les affaires de l'Etat, et la reine était souvent la première conseillère du souverain.

La base courante est le lien familial profondément ressenti même lorsque l'autorité paternelle fait place à une égalité de devoirs et de droits entre les composants de la famille. En effet, en 2700-2500 av. J.-C., lorsque pour la première fois dans l'histoire, à la puissance paternelle et au droit d'aînesse on substitue l'égalité de tous les droits, la mère reste toujours la déesse du foyer domestique c'est-à-dire la "déesse Isis de la maison" le respect mutuel se renforce, et le "respect du père " et l'affection filiale pour la mère sont les vertus cardinales qui subsistent pendant tous les siècles suivants.

Excepté les manquements et les carences morales de quelques-uns, carences qui appartiennent à l'humanité de toutes les époques, ces idéaux et ces principes moraux étaient ceux qui étaient communs à tous, même au pharaon, principes desquels tous devaient rendre compte dans l'au-delà, dans le jugement de l'âme à laquelle tous croyaient fermement.

On rappelle à l'époux: "si tu es sage, reste chez toi, aime tendrement ton épouse, nourris-la et habille-la bien, mais comble-la de caresses et satisfais ses désirs. Si tu t'en éloignes ta famille se désunira, au contraire ouvre-lui tes bras, appelle-la, montre-lui toute ton affection".

A partir de 2400 av. J.-C. nous voyons des scènes peintes où l'épouse est toujours auprès de son mari, avec tous leurs enfants, même lorsqu'il reçoit ses propres employés, lorsqu'il assiste à des tètes: et des danses, et lorsqu'il va à la pêche avec son harpon le long du Nil ou à la chasse avec son boomerang dans les marais et aux confins du désert. Nous voyons, à la fin de la journée, les époux jouer ensemble aux échecs. Même là où le pouvoir tribal reprend le dessus et où l'épouse est moins influente, un lien de tendre affection unit les deux époux, partageant ce grand amour qui attache Isis à Osiris.

Cette union sacrée familiale atteint à des sommets de très grande humanité avec la révélation d'Akhénaton (1372-1354 av. J.-C.), qui deviendra lui-même, avec sa famille idéale, un exemple pour tous, un témoignage visible de l'amour universel d'Aton situé dans la famille. Donc un lien divin qui unit toutes les familles entre elles et à celle du pharaon. Cinq cents ans plus tard toute cette spiritualité s'affaiblit et l'unité familiale ne subsiste que pour des intérêts économiques et opportuns. Le mariage devient un simple contrat entre le père de la fiancée et le futur époux puis entre les intéressés directs eux-mêmes. Un contrat préliminaire dans lequel sont même précisées les clauses d'indemnité en cas de divorce. En effet, pour sa propre part l'époux précise: "Je t'ai prise pour épouse, tu m'as apporte de l'argent, si je te quitte et te déteste je te rendrai cet argent, plus le tiers de ce que j'aurai gagné avec toi". L'épouse répond: "Tu as fait de moi ton épouse, tu m'as donné de l'argent; si je t'abandonne et aime un autre homme, je te restituerai ce que/'ai reçu et ne réclamerai rien de ce que j'aurai gagné avec toi ". Ils sont bien loin, maintenant, les temps où l'épouse était pour l'homme "un champ fertile, la bénédiction de la maison " (Ptahhotep, 2500 av. J.-C.); il reste le respect, la courtoisie, mais l'amour vivifiant d'Isis et d'Osiris devient de plus en plus incompréhensible et irréalisable même dans le pays du Nil.

Toutes les peintures exécutées durant la brève période Atonienne décrivent des scènes de la vie familiale du "pharaon hérétique". Nous le trouvons constamment représenté avec son épouse Néfertiti, la "belle qui vient ici", et ses filles (par ordre de naissance: Mérit-Aton, Maket-Aton, Ankh-Senpa-Aton, Néfer-Aton, NéferRê, Sétépen-Rê).

Non plus la figure dominante du pharaon, mais le couple royal porteur de la divinité elle-même et dont les liens familiaux sont cimentés par une tendresse constante. Ces sentiments sont révélés à travers le réalisme puissant de l'art nouveau. Nous les voyons bavarder, recevoir, jouer, monter en char, adorer le Dieu Unique, toujours ensemble. Une telle affection se propage parmi tout le monde, et lorsque la Première famille se montre à la loggia pour dispenser ses dons, elle incarne le message de l'amour divin de la famille universelle qui lie chaque famille à Dieu.

A peine son prophète est-il mort que ce lien universel disparaît rapidement. La personne du roi redevient inaccessible et détachée de ses familiers mêmes. Avec les premiers signes de l'effondrement final, coutumes étrangères et crises sociales et religieuses participent à la diminution du lien affectif et religieux de la famille.

Au-delà du mariage et de ses concepts matériels, l'amour entre les jeunes gens est empreint d'un romantisme dont on trouve la trace dans de nombreux poèmes. Dans celui-ci, le poète déplore l'absence de "sa sœur", nom donné à l'aimée.

"De toute la semaine je n'ai pas vu ma sœur.
Et une grande langueur m'a envahi
Et mon corps s'est fait pesant.
Je me désintéresse de moi-même.
Si les médecins viennent à moi,
Mon cœur se moque de leurs remèdes.
Les mots qu'il faudrait pour me guérir sont:
" La voilà !"
Son nom est ce que j'espère.
Ma santé revient si je la vois.
Dès qu'elle est là je me sens mieux."

Si l'amour entre époux n'est pas aussi patent que celui exprimé dans ce poème, il n'en demeure pas moins que les livres de sagesse encouragent les moeurs vertueuses. Nombreuses sont les mises en garde contre les femmes étrangères, ou celles qui dansent dans les tavernes. Toutefois, il ne semble pas que la moralité des classes modestes ou bourgeoises ait été aussi stricte. L'on a retrouvé, dans une tombe de la XXème dynastie, un livre nettement obscène, que le musée égyptien de Turin n'ose d'ailleurs pas exposer au public. Que penser de la moralité d'un peuple, qui munit ses morts d'une telle littérature pour les distraire pendant le long voyage vers l'inconnu. Et comment ne pas rester songeur devant un livre sacré qui promet au mort: "Après l'autre monde, tu auras toute liberté de prendre les femmes à leur mari...".

Les Egyptiens aiment leurs enfants. On a de nombreux témoignages de cet amour dans tous les arts. Et les manifestations d'affection entre parents et enfants ne sont jamais déplacées, quelle que soit la classe sociale. Les enfants apprennent dès leur jeune âge le respect des personnes âgées, même étrangères à la famille. Ils se lèvent à leur entrée dans une pièce, s'effacent devant elles. Les parents font tout ce qu'ils peuvent pour leurs enfants et sont généralement payés en retour. Cela est vrai dans les classes populaires comme dans les classes les plus élevées. ©[MEdP]© ©[LVdR
 
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